DOSSIERS TECHNIQUES
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"Oeil pour oeil - dent pour dent"?

Pure tradition ou effet d'orgueil ?

Nous avons probablement tous un jour entendu ce vieil adage, qui se transmet de génération en génération comme beaucoup d'autres. Si nous nous rappelons encore du contexte, il s'agissait alors forcément d'une situation dans laquelle il était question de rendre "coup pour coup" et d'assurer une revanche - voire une vengeance - estimée, avec toute la subjectivité liée à ce genre de logique, proportionnelle à l'agression ou au préjudice qu'on pensait avoir subi.

Ce genre de réflexe, ou même de ligne de conduite établie, est assez fréquent, en particulier lorsque nous nous sentons atteints dans notre "ego" et que nous entendons bien rétablir l'équilibre des forces en présence par une position "dure".

Les "agressions" au Dojo…

Notre propos n'est pas ici de disserter sur cette forme d'esprit en général, ce qui serait un sujet bien trop vaste, mais de nous replacer simplement dans le cadre de notre pratique du Karaté.

Les formes "agressives", en tout cas que nous pouvons percevoir comme telles, peuvent être très variées. Il y a d'abord la personne(ou le groupe) se trouvant à leur origine. Parmi celles-ci, on peut trouver le professeur, le(s) senior(s), les "égaux" et, enfin, les juniors, pour le schéma le plus classique.

Nous reviendrons sur la position particulière du Professeur dans un prochain dossier. Mentionnons tout de même ici, pour rester dans notre discours, que certains enseignants se montrent plus "durs" que d'autres avec leurs élèves, convaincus qu'ils sont que c'est la meilleure façon de les faire progresser. Pour donner un exemple, ils mettent davantage de "pression" lors des entraînements au combat, et il arrive, suite à certains contacts, que l'élève ait bien envie de "rendre" ce qu'il reçoit.

Règlements et éthique

Mais il entre davantage dans notre propos d'examiner ces contacts lorsqu'ils surviennent entre élèves. L'usage veut, en tout cas dans les écoles traditionnelles du Shotokan, que le contrôle absolu soit de rigueur lors de toute contre-attaque lors d'assauts conventionnels, et dans tous les cas en assauts libres comme "Ju Kumite". Dans ce dernier, un léger contact au corps peut être admis, à condition qu'il ne reflète aucune agressivité ou vindicte excessives, et qu'il ne soit pas jugé dangereux. Mais tout contact au niveau "Jodan" est strictement prohibé. Ceci étant, même en Kumité conventionnel, il est souhaitable que l'engagement de "Tori" soit maîtrisé, pour éviter de blesser son partenaire, même si on est « dans son bon droit » en attaquant sincèrement, si celui-ci est ouvertement débordé. Et surtout, lorsque les niveaux des partenaires sont par trop différents, lorsqu'il faut respecter l'autre mais ne pas non plus l'écraser, ce qui serait une forme de lâcheté, et contraire à l'éthique du Karate-Do en général.

Et pourtant, il arrive que ces règles ne soient pas respectées, plus souvent que cela ne devrait. Plaçons-nous justement dans ce cas, et étudions de plus près les comportements des parties en présence. Celui qui "reçoit" un coup va enchaîner toute une série de perceptions et de réactions, pour aboutir à un nouveau comportement par rapport à "avant". Le fait le plus répandu, peut-être par ce qu'il est quelque part le plus "humain", est de vouloir au plus vite "rendre", même si on ne le fait pas trop ouvertement, du fait d'une certaine retenue obligée.

Gagnons en maturité

Est-ce donc la douleur qui nous fait réagir ainsi ? En fait, non, on s'aperçoit que si on ne réagit pas "à chaud" dans la seconde qui suit, ce n'est plus le moteur principal. La vraie raison est une rancœur psychologique, basée sur deux considérations. La première est que nous devons "laver notre honneur" et ne pas laisser ce crime de "lèse-ego" impuni. La deuxième, plus subtile, mais combien plus révélatrice, tend à ne pas laisser croire à l'autre qu'il pourrait être plus fort que nous, même si le contact survenu n'est absolument pas représentatif de cette force dans ce cas précis. En fait, ceci dénote plutôt un manque de confiance en soi, puisqu'on se sent obligé de faire la démonstration de notre capacité de toucher, même si, là aussi, il est vain de vouloir prouver quoi que ce soit. La seule chose que l'on démontre, en fait, c'est notre degré d'immaturité et notre réel niveau de faiblesse.

Certains pratiquants, arrivés, eux, à une forme plus avancée de maturité, considèrent que plus ils subissent de contacts injustifiés ou incontrôlés, plus ceci dénote leur supériorité de fond et leur capacité à "stresser" l'adversaire, on pourrait dire le mettre dans une situation inconfortable (au fait, n'est pas ici justement l'objectif avoué du "Kumite longue distance" ?) et, de plus, ils considèrent à juste titre que ceci leur apprend à mieux se protéger, ce qui est finalement bénéfique dans la recherche de l'efficacité globale en combat.

L'esprit aura le dernier mot

Alors, que faire ? Il n'est pas non plus demandé de "tendre l'autre joue", nous ne sommes pas des saints hommes, et il est normal que tout individu, y compris un pratiquant d'Arts Martiaux, veuille se faire respecter. Mais si on est réellement plus fort, surtout "que soi-même", il y a beaucoup de moyens d'être dissuasif sans tomber dans une attitude revancharde ou soumise, moyens qu'il nous appartient de trouver.

Mais c'est également au professeur de surveiller les opérations, et de faire en sorte que des velléités belliqueuses excessives ou trop évidentes soient canalisées et rapidement éradiquées. Ceci entre en fait dans tout le schéma de création de l'esprit régnant au Dojo, rôle qui lui incombe en priorité dans sa mission d'éducateur martial.

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