DOSSIERS TECHNIQUES
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Le Professeur... "enseignant" ou "champion"?

La position et le statut

L'entraîneur, ou plus spécifiquement le professeur de Karaté, a un rôle et une position privilégiée avant tout "de jure", c'est-à-dire qu'il possède d'entrée un statut - celui d'enseignant - lui conférant le droit de diriger, de juger (en bien ou en mal), de démontrer, etc. Bien que le simple fait pour l'élève d'entrer librement sur un tatami devrait en principe être implicitement une acceptation de son propre rôle, il n'y a souvent pas de reconnaissance "de facto" de la part de certains des capacités réelles du professeur. En effet, en fonction du "niveau" de chaque élève, de sa vision de la qualité et de la crédibilité de l'enseignement, et à moins d'avoir affaire à un Expert de grande renommée (et encore !), il ne peut parfois s'empêcher d'avoir un regard critique, voire négatif, et, au lieu d'adopter une attitude orientée vers l'apprentissage, il entretient plus ou moins consciemment, par simple vanité, un refus de recevoir.

Dans cet état d'esprit, il est clair qu'il sera difficile pour l'élève d'accepter une remontrance, une critique, voire un simple conseil, et que, non seulement il n'en fera pas cas, mais qu'il considèrera ceci comme une agression, qu'il cherchera à discuter, objecter, etc., et sur quoi il fera toujours une fixation, comme étant inacceptable et injustifié.

Où est donc le vrai critère de qualité ?

Il serait extrêmement aventureux de vouloir élaborer ici une liste de critères de valeur pour juger de la qualité d'un enseignement, et de là, d'un professeur. Il est clair que plus ce dernier sera techniquement performant, plus l'aspect "démonstratif" aura un impact important, la preuve par l'exemple étant toujours très parlante. Cependant, il ne suffit pas de "faire" et de "montrer" pour garantir une bonne transmission du savoir-faire et une compréhension juste par l'élève. Comme le disent souvent mes propres Seniors, "je peux vous le montrer, mais je ne peux pas le faire à votre place", ce qu'il faut aussi comprendre comme : "tant que vous n'aurez pas vous-mêmes trouvé la bonne sensation, vous ne saurez pas le faire correctement". Et pour cela, il est au moins aussi, sinon plus, important de savoir comment amener l'élève aux sensations exactes, pour que la bonne compréhension vienne "de l'intérieur", non par simple mimétisme et répétition sans fin d'un geste à reproduire.

L'apprentissage n'est rien sans le progrès mental

C'est précisément ici que l'on est à la croisée des chemins. Si on part du principe que la qualité d'un enseignement trouve son reflet dans la rapidité et la solidité des progrès des pratiquants, on jugera beaucoup plus subtilement le professeur sur son aptitude à faire comprendre comment faire et pas seulement sur sa maîtrise à le montrer. Cette démarche est indissociable d'un parcours mental parallèle, la maturation de l'esprit concourant à l'accomplissement du geste. le disait Maître Tsutomu OHSHIMA : "Crois-tu que je pratiquerais le Karaté s'il ne s'agissait que de donner des coups de poings et de pieds ?".

Savoir "faire-faire": bien mieux que savoir "faire"…

Certains enseignants maintiennent une forme de mystère autour de leur pratique, ceci malheureusement dans le seul but, conscient ou non, de se rassurer et de préserver leur ascendant sur leurs élèves, craignant à tout instant de perdre leur crédibilité et se voir dépassés par eux. Or justement, il n'y a pas de plus grande satisfaction à enseigner que de permettre à ses élèves de devenir les meilleurs possibles, sans même imaginer faire quelque comparaison que ce soit, et sur quelque plan que ce soit, avec le professeur. Ceux qui cherchent à éblouir et à en imposer ne font que révéler leurs faiblesses et leurs incertitudes, en perdant la notion de l'essentiel.

Dans nombre de sports, les entraîneurs ne sont pas eux-mêmes des sportifs ayant forcément évolué au plus haut niveau, mais ce sont des gens qui, par leur compréhension et leur vision propre de leur discipline, sont à même de faire de leur élève un champion, en sachant tirer le meilleur avantage de ses qualités spécifiques.

La véritable reconnaissance, dans tous les sens du terme, viendra davantage et sera plus sincère si elle est fondée sur le constat propre de l'élève de l'étendue et de la rapidité de ses progrès, plutôt que sur une admiration factice des talents exhibés par un professeur cherchant avant tout à paraître.

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